Après deux mois d'une douloureuse maladie, le 5 août dernier à 23 h 30, s'est éteint, à l'hôpital français de Saint-Pierre en Gallicante, le doyen du clergé patriarcal, D. Marc Dalmedico.
Né à Constantinople le 9 septembre 1874, d'une famille israélite d'origine vénitienne – son père Moïse Bey était employé au gouvernement turc – il eut dès l'enfance une tendance très poussée vers les études religieuses.
Lecteur assidu de la Bible, il fut spécialement frappé par la prophétie d'Isaïe VII, 14 : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils et le nommera Emmanuel. » La pensée d'un Dieu qui habite avec nous – Emmanuel – le conduisit peu à peu à la conception chrétienne de l'incarnation.
Comme il ne pouvait embrasser la religion chrétienne dans sa famille, il s'embarqua, à l'insu de ses parents, sur un bateau à destination de la France. Là, il compléta son instruction religieuse et fut baptisé à Paris le 3 avril 1893.
Deux ans plus tard, après avoir personnellement lié connaissance avec quelques poètes déjà célèbres, il entra au noviciat des Pères de Notre-Dame de Sion et, une fois profès, il fut envoyé à Jérusalem. Il y acheva ses études sacrées à la faculté de théologie des Pères Dominicains, annexe à l'École biblique de Saint-Étienne, et fut reçu docteur en théologie le 27 janvier 1903. Il avait été ordonné prêtre l'année précédente par Mgr Piccardo, évêque auxiliaire, dans l'église concathédrale du Patriarcat latin.
Après son ordination, il fut envoyé par ses supérieurs à leur maison de Constantinople, puis à la maison-mère à Paris et finalement en Belgique, au scolasticat de Louvain, où on lui confia le soin du noviciat, d'abord en second, ensuite comme maître des novices et enfin comme supérieur de la maison.
Au début de la première guerre mondiale, la plupart des novices ayant dû endosser l'uniforme militaire, le P. Marc fut renvoyé à Constantinople ; mais, bloqué à Trieste par l'entrée en guerre de la Turquie, il y resta jusqu'à la fin des hostilités comme aumônier des Religieuses de Notre-Dame de Sion.
En 1920, il retourne en Palestine et, l'année suivante, il offre ses services au Patriarcat latin, dont le clergé était très réduit. Le patriarche, Mgr Barlassina, le nomme d'abord professeur de philosophie au Séminaire Patriarcal, qu'on venait de remettre sur pied après la guerre ; puis, en octobre 1921, il est désigné comme président du Tribunal ecclésiatique à Jérusalem. Mais il ne tarde pas à quitter cette charge pour s'adonner au ministère dans les missions. Il sera ainsi successivement curé de Reneh (1922-1925), de Birzeit (1925-1927), de Beisan (1927-1936), et enfin de Chefamar pendant près de 14 ans (1936-1949).
En juillet 1949, cédant au poids de l'âge et d'un état de santé devenu très précaire, il se retira à Jérusalem; mais incapable de rester oisif , i1 assura quelques mois le service des Religieuses de Notre-Dame de Sion, et enfin, le 15 mai 1950, il devint aumônier des Sœurs de Saint.Joseph de l'Apparition à Naplouse. C'est là qu'il est resté jusqu'à ce que la maladie le contraignît à se replier sur l'hôpital de Jérusalem pour mourir.
« Original dans ses idées comme dans sa vie », nous écrit un ami, qui le connut dès ses premières années de sacerdoce. D. Marc fut un prêtre pieux, charitable et passionné pour l'étude.
Sa piété se portait avant tout vers l'Eucharistie. La pensée d'un Dieu incarné habitant parmi nous, qui l'avait conduit tout jeune à la conversion et orienté vers le sacerdoce, l'accompagna toute sa vie. Il aimait passer de longues heures devant le tabernacle et, dans ses dernières années, ne pouvant plus se rendre facilement à la chapelle, il se tournait, dans sa chambre, vers le Saint-Sacrement et restait longuement en méditation.
À sa dévotion au Christ, il joignait un amour très senti pour la divine Mère, qu'il entourait d'un culte tout filial. Dans les derniers temps, à cause de sa faiblesse, il avait obtenu la permission de dire tous les jours la messe de Beata ou bien celle des défunts ; la préface de cette messe des morts, surtout les mots : Tuis enim fidelibus, Domine, vita mutatur, non tollitur, le transportait d'enthousiasme.
De sa charité envers les pauvres et surtout envers les enfants abandonnés, bien des personnes furent témoins, et l'hiver dernier encore, on le vit se priver de divers articles de son pauvre vestiaire pour secourir des indigents.
Tout le temps qui n'était pas donné à la prière, il le consacrait à l'étude, en particulier à celle de la Sainte Écriture. Il a laissé, outre un fascicule sur les Prédictions de l'Apocalypse, imprimé à Paris chez Lethielleux en 1922, dix-sept ouvrages manuscrits de caractère biblique et exégétique, tous très personnels.
Sa culture était vaste et jointe à un sens artistique affiné ; il composait des mélodies peu banales sur les poésies de saint Jean de la Croix ; il aimait chanter en hébreu les Lamentations de Jérémie, que l'Église fait réciter durant la Semaine Sainte, ainsi que les Psaumes. Il connaissait une dizaine de langues et parlait couramment, outre le français, qu'il re-gardait comme sa langue maternelle, l'arabe, l'hébreu, le grec et le turc.
Le 27 juin dernier, il écrivait dans une note intime: Video cœlos aperios et Jesum stantem a dextris Dei. Dominus meus et Dèus meus. Sa rencontre avec Jésus est arrivée soudainement durant la nuit du 5 août, alors que personne ne s'attendait à une fin si rapide.
Les prêtres du Patriarcat, réunis à Jérusalem pour la retraite annuelle, purent prendre part à ses funérailles et accompagner son cercueil depuis Gallicante jusqu'à Gethsémani. Dans la basilique de l'Agonie, en présence de S.B. Mgr le Patriarche et des représentants des diverses Communautés de Jérusalem, le R.P. Nicolas Gaeta, vicaire de la paroisse de Saint-Sauveur, célébra les obsèques. Puis le cortège funèbre se rendit au cimetière tout proche des Pères Franciscains, où ce prêtre du Seigneur repose désormais à l'ombre amie des oliviers séculaires.